A l’heure où tant d’ateliers de restauration sont submergés par des œuvres modernes et contemporaines dégradées, alors que les peintures des Flamands nous sont parvenues intactes, à l’heure où notre monde perd ses valeurs en uniformisant les goûts et les modes, où nous élevons des temples à la médiocrité, à la supercherie, au clinquant, au souffre, à la provocation vide de sens et d’espoir, prenons le temps de revenir à la source de la couleur, réapprenons à aimer le beau et le travail bien fait. Celui de l’artisan qui devient, à force d’application et d’inspiration, l’artiste, le créateur de rêves éveillés en image. B.A.
L'apprentissage de la peinture passe par la connaissance du geste et de l'outil. Mais que peuvent faire une main et un pinceau si la connaissance de la couleur et du mélange coloré font défaut ?
J'ai pris pour habitude de comparer cet apprentissage à celui de la musique. Pour apprendre à jouer du piano, il faut faire des gammes... (Je ne parle évidemment pas d'exceptions rarissimes où la connaissance de la musique, de la peinture est innée, spontanée, intuitive : il s'agit là de génie et nous n'en sommes pas là...)
En matière de peinture les gammes sont dans ma pédagogie, l'apprentissage de la couleur.
"Couleur à la source",
Ce titre met l'accent sur la couleur qui est en fait l'outil premier, le vecteur de la lumière, le ferment de base du peintre qui restitue la source...
La source de cette connaissance, cet apprentissage, se trouvent dans le témoignage, le savoir-faire, la rigueur des maîtres de la peinture figurative, du réalisme des anciens jusqu'au surréalisme des modernes.
J'exclus par choix et par conviction personnelle la peinture contemporaine (hormis bien sûr les quelques réalistes et figuratifs qui subsistent) : dans l'abstraction, le tachisme, le minimalisme... Ceci dans la mesure où les règles ne sont plus les mêmes, lorsqu'il en reste, dans la mesure où mes compétences de peintre et de pédagogue trouvent leurs limites volontaires.
Quoi de mieux en effet que la copie de tableaux de maîtres pour apprendre le nuançage des couleurs, leur traité, leur rendu dans les ombres et les lumières, dans l'espace et la profondeur de champ.
Le meilleur moyen de préparer sa main, son outil est de leur apprendre avec méthode, par observation, par reproduction, touche après touche, nuance après nuance à rendre les effets exprimés par le maître.
Ce n'est qu'après cet apprentissage-là, dans l'effort, la persévérance, la répétition, la concentration que l'on peut donner à son propre geste toute sa liberté et sa propre personnalité. La copie n’est pas une fin en soi. Au contraire je demande à ce que l’on s’en détache rapidement. Elle n’a pour unique but d’aiguiser l’œil dans la recherche des tons justes, ce qui n’est pas envisageable dans l’interprétation, encore moins dans la création.
Pour que la main et l'esprit puissent commander la couleur et l'effet, il leur faut d'abord apprendre à obéir et à se trouver en harmonie l'un avec l'autre.
Alors dégagés du souci du choix de la nuance (chaude-froide, opaque-transparente, sombre-lumineuse, claire-foncée...), du choix de l'instrument (brosse-rond-pointu, large-étroit, souple-dur...), du choix du mélange (gras-maigre, épais-dilué...), du choix de la touche (légère-appuyée, brossée, frottée, léchée)…
…on peut seulement prétendre à la création...
C'est en partant de ce souci du savoir-faire, de la connaissance, de la couleur tout d'abord, de la maîtrise du geste et de l'outil ensuite, que je conduis mes élèves à la réalisation de ces copies de tableaux de Maîtres de tous temps pour les amener, lorsqu'ils se sentent prêts, à créer par eux-mêmes leurs propres « images », leurs compositions personnelles, leurs expressions libres et originales.